Cook Code Change

Gèrer un restaurant : rêve vs réalité

July 15, 2025

 

 


 

Il y a cette idée romantique d’ouvrir un restaurant. Un rêve sucré-salé, un peu fou, souvent irrésistible. Anthony Bourdain, lui, parlait d’“affliction étrange”. Et il avait ses raisons…

 

« Vouloir posséder un restaurant peut être une affliction étrange et terrible. Qu'est-ce qui cause une telle pulsion destructrice chez tant de personnes par ailleurs sensées ? Pourquoi quelqu'un qui a travaillé dur, économisé de l'argent, souvent réussi dans d'autres domaines, voudrait-il pomper son argent durement gagné dans un trou qui, statistiquement du moins, s'avérera presque certainement sec ? Pourquoi s'aventurer dans une industrie avec d’énormes dépenses fixes (loyer, électricité, gaz, eau, linge, maintenance, assurance, frais de licence, enlèvement des ordures, etc.), avec une main-d'œuvre notoirement transitoire et instable, et un inventaire d'actifs hautement périssables ? Les chances de voir un retour sur votre investissement sont d'environ une sur cinq. Quelle bactérie spongiforme insidieuse criblait ainsi les cerveaux des hommes et des femmes qu'ils se tiennent là sur les rails, regardant les lumières de la locomotive qui approche, sachant parfaitement qu'elle finira par les écraser ? Après toutes ces années dans le business, je ne sais toujours pas. »

– Anthony Bourdain, Cuisine et confidences

 

C’était au début du millénaire, et Anthony Bourdain faisait irruption avec Kitchen Confidential, un livre qui a secoué le monde de la restauration. Ce bouquin, avec son style brut et ses vérités crues, a parlé à toute une génération de cuisiniers, moi y compris. Pendant mes trente ans en cuisine, j’ai souvent repensé à ses mots. Pourquoi, mais pourquoi, se lancer dans l’aventure d’un restaurant ?

 

Le Rêve

Ouvrir un restaurant, c’est d’abord une vision. On s’imagine derrière les fourneaux, à concocter des plats qui racontent une histoire, ou en salle, à voir les visages s’illuminer devant une assiette parfaite. On rêve de créer un lieu où les gens se retrouvent, rient, partagent. C’est cette idée de communauté, de créativité, qui nous fait vibrer. Moi, quand j’ai commencé, je voyais mon restaurant comme une extension de ma cuisine, un endroit où chaque plat serait une petite œuvre d’art. Mais, comme beaucoup, j’ai vite compris que la restauration, ce n’est pas seulement de l’art. C’est aussi du commerce.

 

La Réalité

La réalité, elle, arrive comme une claque. Gérer un restaurant, c’est comme marcher sur une corde raide. Vous devez être à la fois artisan (pour créer des plats savoureux), commerçant (pour gérer les finances) et prestataire de service (pour satisfaire les clients). Ce n’est pas tout : il faut aussi gérer une montagne de produits, dont certains périssables qui peuvent poser des risques sanitaires s’ils ne sont pas manipulés correctement. Ajoutez à cela une concurrence féroce – en France, on compte plus de 9 000 établissements rien que dans les Alpes-Maritimes ! – et des charges salariales qui engloutissent 30 à 40 % de votre chiffre d’affaires. Sans parler des taux de TVA différents pour les achats et les ventes, qui transforment la comptabilité en casse-tête.

En 2023, 64 % des restaurateurs français ont dû augmenter leurs prix, avec une hausse moyenne de 2 à 3 % par menu, pour faire face à l’inflation galopante. Le ticket moyen est passé de 24,51 € en 2022 à 27,24 € en 2023, mais même ça ne suffit souvent pas à protéger les marges. Et là, le rêve romantique s’effrite : on réalise que l’art culinaire, aussi beau soit-il, doit être rentable pour survivre.

 

Le Poids Émotionnel : Quand le Rêve Devient Fardeau

Ce choc entre le rêve et la réalité, je l’ai vécu. Après des années à courir entre la cuisine, les fournisseurs et les factures, j’ai senti le poids de cette vérité : un restaurant, c’est une entreprise. Et une entreprise, ça demande une gestion rigoureuse. Diriger une équipe, gérer les fournisseurs, collaborer avec le comptable, interagir avec les institutions, se conformer et respecter les réglementations, prévenir les erreurs, maintenir une qualité constante, contrôler les coûts, tout en ne perdant jamais de vue l’objectif principal : satisfaire le client et maintenir l’entreprise dans le vert.

Tout ça peut épuiser même les plus passionnés. J’ai vu des collègues, des amis, craquer sous cette pression, parce que personne ne nous prépare vraiment à tout ce que gérer un restaurant implique.

 

Un Nouveau Départ : De la Cuisine à la Technologie

Depuis un an, pour diverses raisons, j’ai mis ma carrière de chef entre parenthèses et je me suis plongé dans l’étude de la programmation. Ces derniers mois, j’ai travaillé sur le développement d’applications pour la gestion de cuisine et de la traçabilité, qui devraient voir le jour après l’été. Physiquement, je me suis éloigné des fourneaux, mais dans mon cœur et mon esprit, je suis toujours dans la restauration. Une partie de mon travail tourne autour de Pennylane, et plus je l’utilise, plus je suis enthousiaste.

Quand j’étais jeune et que j’ai ouvert mon premier restaurant, je pensais naïvement que mon comptable allait m’accompagner sur tous les aspects de la gestion et des finances. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai appris à mes dépens qu’un comptable et un restaurateur parlent deux langues différentes ! Ce n’est pas facile pour un restaurateur de comprendre les principes comptables, même quand, comme moi, on les a étudiés à l’école (j’avoue, je détestais la partie double et je l’ai oubliée avant même de réaliser à quel point elle était importante). Et pour un comptable, comprendre le chaos administratif d’un restaurant, c’est tout aussi compliqué. Pendant que j’apprends à maîtriser Pennylane, je repense à ces trente années passées à me casser la tête sur ces problèmes.

 

Et Ensuite ? On Apprend Ensemble !

Dans les semaines à venir, je vais partager avec vous ce que je découvre sur les défis de la restauration – des stocks périssables aux coûts salariaux, en passant par la jungle des taxes. Je ne suis pas un expert fiscal, mais à mesure que j’apprends, je vous livrerai des astuces pratiques, testées sur le terrain, pour vous aider à garder votre passion intacte tout en gérant mieux votre restaurant. Restez avec moi pour la suite de cette série. On va parler d’outils, de solutions, et de comment transformer ce rêve romantique en une réalité qui fonctionne.

Et vous, quel est le plus gros défi qui vous empêche de vivre pleinement votre rêve de restaurateur ? Partagez-le en commentaire, et retrouvons-nous la semaine prochaine pour parler de la gestion des stocks !

Si vous voulez plonger dans l’univers d’Anthony Bourdain, je vous recommande de chercher Cuisine et confidences dans une médiathèque ou une librairie. C’est un voyage qui vaut le détour.